La station, qui revendique - comme à ses débuts en 1986 -
un public jeune, délaisse les émissions de libre antenne pour un programme
essentiellement musical consacré au rock alternatif, à la transemusic et au
rap.
Il y a dix ans, Skyrock poussait son premier cri sur les ondes. Depuis, la station a
grandi et le ton a évolué. Pour suivre les attentes de son public, les
15-25 ans, elle a modifié aussi sa grille de programmes. La radio, qui avait
fait de la libre antenne l'une de ses marques de fabrique, a abandonné, pour
l'instant, ce type d'émission en direct. Le départ de Maurice, animateur
depuis deux ans de " Maurice Skyrock 21 h " (Le Monde du 28
novembre) qui écoutait, faisait parler mais surtout rabrouait les auditeurs,
signe-t-il la fin d'une époque ? " Skyrock a une histoire qui s'enracine
dans le mouvement des radios libres, explique Pierre Bellanger, fondateur de la radio et
gérant de la société éditrice Vortex. Dans les années
80, on a vécu quelque chose de formidable, où tout était possible.
Et tout a été tenté. Ne reste aujourd'hui que ce qui est vraiment
nécessaire. "
Quand il lance Skyrock (" Sky ", pour ses auditeurs), Pierre
Bellanger, fils d'un ancien directeur du Parisien, n'en est pas à son coup d'essai.
Sept ans auparavant, on l'entend déjà sur Radio-Mongol, à
l'université Paris-VIII (Vincennes). En 1981, il fonde
Cité-Future, en association avec Le Monde, puis, deux ans plus tard, il lance la
Voix du lézard. La station programme de la musique new-age, et touche alors les
milieux branchés de la capitale.
En 1986, avec Skyrock c'est une aventure d'une autre envergure qui démarre :
celle de la radio commerciale, puisque la publicité sur les ondes des radios
libres a été autorisée par François Mitterrand. Autre
dimension, autres rapports au public et surtout autres moyens financiers, mais pas de
regrets pour le bourlingueur de la bande FM : " La Voix du Lézard
n'aurait pas pu devenir un réseau. Elle était trop
" fermée ", c'était la radio de 400 000 personnes, confie Pierre
Bellanger. À la différence de beaucoup d'autres radios libres, au lieu de
disparaître ou de s'enfermer dans une sorte de cocon tribal malheureux et plein de
ressentiment à l'égard de l'extérieur, on a évolué.
Aujourd'hui, on touche 2 millions de personnes.
Forte de son héritage de radio libre Skyrock revendique, aujourd'hui
encore, un ton impertinent, " mais pas de la même manière qu'au
début, parce que les auditeurs changent ", précise le directeur du
réseau qui regroupe aujourd'hui 91 fréquences. Pour lui, l'osmose entre le
média et son public est primordiale. Et tout est question de moment opportun, de
" phase " avec les auditeurs. Il cite l'exemple de " Bonsoir la
planète ", émission de libre antenne qu'il avait lancée en
1992, pour expliquer que certains débats, utiles un temps aux auditeurs,
" peuvent devenir ensuite un rabâchage de lieux communs ". " Il
faut arrêter, avant que le public se lasse ", tranche-t-il.
Aujourd'hui, Skyrock ne fait pas de la libre antenne un axe essentiel. La musique reste
plus importante que jamais. Elle " a quelque chose à dire, plus important
parfois que les discours des auditeurs. Aujourd'hui, au lieu d'avoir à l'antenne
des gens qui affirment le racisme, c'est dommage, on diffuse la chanson de
Khaled : Aïcha. C'est plus parlant ", explique Pierre Bellanger. Il
définit sa radio comme un " diapason anticipant " des aspirations des
15-25 ans. " Son " public manifeste des goûts musicaux beaucoup plus
éclectiques que celui des années 80 : " Aujourd'hui, il n'y a plus une
musique jeune qui fait l'unanimité. "
Skyrock articule donc ses programmes autour de trois axes principaux : le rock
alternatif, la transemusic et le rap - la station revendique d'ailleurs le titre de
première radio rap -. " Pour un teenager, la musique est un
référent culturel ", et diffuser un titre nouveau avant
Fun ou
NRJ,
ses principaux concurrents, est plus que jamais une priorité. Dans cette course
à l'audience, on assiste aussi à un chassé-croisé des
animateurs d'une station à l'autre. Il y a quelques années,
Fun Radio avait " volé " Arthur
à Sky, qui a elle même " chipé " Maurice à
Ouï FM. Et l'été dernier, David Massard, alias Difool qui fit
les belles heures de " Lovin'fun " avec le Doc a finalement quitté
Fun Radio pour Skyrock.
Un transfert qui s'annonçait difficile, Difool n'ayant pas ménagé
ses attaques contre Skyrock lorsqu'il collaborait à Fun. Pierre Bellanger
répond par la négative : " Quand Difool se fichait de nous sur
l'antenne de Fun, il mettait le doigt sur des travers de Skyrock, et il avait raison. Il
nous a obligés à nous remettre en cause, dans les années 1994-1995.
On a réagi. Et on a accru notre audience de 20%. " " La radio, et
surtout la radio jeune, c'est un monde très brutal ultra-compétitif ",
ajoute-t-il, avec un sourire qui prouverait que ce n'est pas pour lui déplaire.
Le Monde, Delphine Kindennans - 15 décembre 1996
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